Un moment que je n'avais pas voyagé en dehors du boulot, un moment que je n'ai pas publié sur ce blog. On a eu l'idée avec Anne d'aller au Kyrghizistan dès l'hiver dernier. C'est un pays bien connu des montagnards car il se situe sur les chaines du Pamir et du Tien Shan, avec plusieurs sommets à plus de 7000m, de nombreux sommets vierges et, pour nous, des possibilités de trek engagés.
Mais on avait mis l'idée de côté car j'ai eu une oportunité sur le boulot qui a fini par se concrétise. Tout ça jusqu'une semaine avant, où on trouve du temps, des billets pas trop chers (un seul créneau à ce prix là sur l'été) et en plus Marseille-Bishkek, qui sont compatibles avec le reste des activités de l'été (un déménagement et du boulot). La semaine de préparation a été intense (qu'est-ce qu'on apporte? quel itinéraire est-ce qu'on vise?) pour arriver à un voyage qui s'est fait sans aucune encombre.
Le trajet a été très facile. Départ en bus de Pierrevert pour Manosque, de Manosque à l'aéroport de Marseille. Deux vols et une nuit plus loin, le passeport tamponné, et nous voilà en pays inconnu!
On est assaillis par les taxis, et on prend une carte sim auprès d'une jeune fille qui ne comprend pas l'anglais. Étonnant pour un aéroport, mais on découvrira que vraiment quasiment personne ne parle anglais dans le pays. On prend le bus vers la ville (pas loin de 20 fois moins cher que le taxi), et on marche jusqu'à une auberge de jeunesse où on prend le temps de se reposer. On découvreaussi à l'occasion de quelques courses la ville, sa grande étendue, son système de marshrutka (des mini bus) qui permet de se rendre partout, et son traffic incessant et menaçant les piétons. À part les hauts sommets au loin, l'endroit ne nous fait pas rêver. Après avoir fait le plein de tout ce qu'il nous fallait (des cartes de rando, des cartouches de gaz et de la nourriture portable en rando), on décide de partir dès le lendemain.
Ci dessous: une mosquée toute nouvelle construite avec de l'argent des émirats et une immense cheminée soviétique cominent le skyline de Bishkek. Partout, on sent encore des restes du soviétisme et, partout, on sent une influence prosélite des pays du golfe dans la construction de mosquées bien que pour le moment l'islam local soit peu pratiquant et tolérant.
Encore une fois, le transport se passe très fluidement. Une marshroutka pour la gare routière, où un accueil de glace par les caissières finit par nous orienter vers une autre marshroutka. Elle est presque pleine, et comble de l'efficacité, on part en même pas 15 minutes!
Direction le lac d'Issik Kul et Karakol à bord d'un bolide dirigé par un chauffeur apparemment très soucieux de ne pas se faire doubler. La route est belle, on découvre le lac (le plus grand lac de montagne du monde après le Titicaca) et les montagnes qui l'encerclent. Arrivés sur place, on va au Turkestan yurt camp, une guest house recommandée dans le lonely planet. Les tarifs ont flambé, mais on est crevés et on accepte de dormir en yourte. L'odeur et les mites nous apprendront à nous méfier. On se balade dans la ville. C'est censé être l'une des plus belles du pays, on y trouve un village immense de maisons d'architecture russe, avec ça et là quelques bâtiments originaux (une mosquée du XIXe à l'architecture de temple tibétain, une cathédrale orthodoxe aux bulbes dorés). On n'est toujours pas emballés par le cadre urbain, on se dit qu'on fait mieux de partir en rando le lendemain.
Un petit déj et quelques conseils à la guest house, et on décolle. On emporte 5 jours de nourriture pour avoir de la marge, et on part sur des "sentiers battus": on va faire à contresens le trek de Jeti Oguz à Ak suu dans le Tien Shan ("Montagnes célestes") au dessus de Karakol. Ca nous permettra de calibrer notre allure générale, de s'acclimater, et de voir si on est prêts à faire quelque chose de plus long et engagé ensuite.
Le départ est à une dizaine de kilomètres de Karakol . Le chauffeur de marshrutka nous largue avant la fin du village, en prenant plus que le prix normal ("bagage") et s'en va. On se rend rapidement compte qu'il nous a aussi arnaqué sur la distance, car on a deux kilomètres à faire avant le bout de la ligne sur laquelle il opère. Notre objectif de la journée se situe le long d'un torrent 15km en amont de là où on se trouve. La carte nous emmène sur la crête entre ce torrent et un autre. Au bout de 45 minutes de montée, le temps se gâte et on croise un russe qui descend. On lui demande si on va dans la bonne direction. Il nous dit de le suivre, et nous ramène à notre point de départ. Il envoie son fils nous montrer le début du chemin, qui est sur une piste juste là où on aurait du être déposés. On remaudit le chauffeur, grâce à lui on vient de perdre une heure et demie et de se faire tremper. On monte, et on découvre le long de la piste de belles forêt d'un épicéa endémique du Tien Shan. Arrivés à Altin Arashan, on craque pour Ala Kool guest house, où nous sommes très bien accueillis. Un bain une source tiède et on passe la soirée en compagnie de nos hôtes et de quelques touristes dans une maison faite de containers. Un orage détonnant nous conforte dans notre choix de dormir à l'intérieur.
Ci dessous Quelques ruches dans la vallée que nous ne devions pas remonter, pendant la période où on s'est paumés. La piste et la vallée au milieu des forêts locales. Le Lonely Planet suggère que la piste serait la pire du monde. C'est sans doute loin de la réalité, mais la capacité des voitures et des minibus 4x4 russes à la gravir et à passer les ornières reste époustouflante! Altyn Arashan et ses nombreux accueils à touristes
Le lendemain, on part vers 10h après une tentative de pêche dans le torrent. Quelques kilomètres de plat relatif dans la vallée d'Altin Arashan, et puis on monte raide pour aboutir dans une longue vallée. On a l'impression de se trainer et il y a des chemins partout, on se pose la question de où est le col. Quelques randonneurs marchant dans l'autre sens nous confirment qu'il faut aller toujours tout droit. À la fin d'un éboulis très raide (peu recommandable pour la plupart des gens), on y est. Il est 16h passée, on a à peine fait 1000m de dénivellée et 15km dans les vallées. Les 3800m d'altitude y sont pour quelque chose, mais pas complètement. On apprendra par la suite à adapter nos estimations: chez nous on a l'habitude de monter ou de faire de la distance, et de compter le temps en fonction de l'un ou de l'autre, mais rarement les deux.
Au moins, la vue est splendide. On redescend un grand chaos de blocs vers un très beau lac surmonté d'une montagne avec des gros glaciers. Vers 18h, le premier campement qu'on trouve est à 3500m. C'est juste au bord du lac, et on est tentés de rester. Mais nos sacs de couchage ne nous garderont chaud que jusque vers 0°C et il pourrait faire plus froid. On décide de descendre jusqu'au campement suivant. Un raidillon de 500m dans des pierriers plus loin, on trouve une petite place dans un camp bondé dans un bout de forêt où on passe la nuit.
1-3: Vallée d'Altyn Arashan. 4: dans les forêts. Avec ces arbres très effilés, on n'est jamais sous la canopée, ça donne une impression très particulière. 5: remontée vers le col Ala Kool. 6: Lac Ala kool et montagnes au dessus.
On se lève tranquillement, tout le monde a déjà le levé le camp. Après une descente, on trouve la vallée de la rivière Karakol. Elle est magnifique, je suis tenté de la pêcher. Mais on prévoit encore une grosse journée, donc on regarde en remontant. Ensuite, on part sur une vallée transversale au profil identique à celle du jour précédent: raide en bas, effilé et long en haut. La vallée est magnifique, sauvage et, sortis des endroits les plus courrus, on ne croisera que 4 personnes avant le col. Une superbe impression d'être seuls au milieu de nulle part! C'est plutôt étonnant pour un pays qui vit du pastoralisme, mais en fait on est dans un parc où les habitants n'ont pas le droit de s'installer et de faire pâturer n'importe où. Le col culmine lui aussi à 3800m encore, l'arrivée ets un peu moins difficile que le jour précédent. La descente est raide, et passe à toute vitesse. Arrivés au niveau de la vallée principale, on continue quelques kilomètres et on dort à côté d'un gros bloc en profitant d'un coucher de soleil sur les hauts sommets.
1-2 Descente dans la vallée de la Karakol. 3-5 La vallée, ses épicéas et ses chevaux. C'est magique! 6 Chevaux en direction du col. 7 Bientôt en haut. 8-10 Ambiance de la soirée au niveau du bivouac en fond de vallée.
On part tranquillement assez tôt le matin. Descente dans la vallée, découverte de la progression sur des terrains marécageux et des traversées de torrent à gué. Le chemin est facile à suivre, et après une vingtaine de kilomètre, on atteint la "vallée aux fleurs". Le nom est trompeur, l'endroit est ratiboisé par les troupeaux, et par les voitures qui amènent de nombreux touristes (essentiellement Kyrghizes). On hésite à continuer vers Kyzil Suu. Après 4 jours, on commence à être bien fatigués. Il n'y a qu'un petit col à passer, mais à la fin on risquerait de marcher sur 10km de bitume si le stop ne marche pas. On décide finalement de rejoindre la civilisation et d'aller voir une curiosité géologique à Jeti Oguz. On fait du stop pour Kyzil Suu, et on est pris très vite par un jeune très sympa. Tellement qu'il nous aidera pendant presqu'une heure à chercher une chambre à Kyzil Suu (avec son frère par téléphone interposé pour traduire l'anglais). Peine perdue, il n'y a quasiment pas d'hébergement dans cette ville. On rentre à Karakol, où on découvre le confort de la Riverside guest house.
1. Descente dans la vallée 2. Quelques montagnes à plus de 5000m au loin. 3. La vallée aux fleurs et ses hébergements. 4. Jeti Oguz et ses grès célèbres.
On y passera deux nuits, ainsi qu'une journée de repos. La qualité de la guest house et l'accueil qu'on y reçoit rendent ce deuxième passage à Karakol bien plus agréable que le premier. On en profite pour se ravitailler, et faire un tour au lac Issik Kul sur une plage de sable brulant, entre femmes voilées et bikinis minuscules. On prend aussi le temps pour étudier les cartes et prendre des conseils pour l'itinéraire. Cet itinéraire, on l'a trouvé sur le site internet d'une agence de trekking française. Eux le font dans l'autre sens, en partant de Eki Naryn et en arrivant à Jeti Oguz. Eux font ça en deux semaines, avec des ravitaillement quotidiens par véhicule. Nous, nous ne pourrons pas nous ravitailler, et avec nos petits sacs, on a peu de chances de porter plus de 10 jours de nourriture (et encore moins de les porter sur des hauts cols). On décide de shunter les trois premiers jours et de partir de Saruu. L'itinéraire comporte ensuite trois réchapes possibles vers le Nord en cas de blessure ou de nourriture insuffisante (40km pour rejoindre la civilisation à chaque fois). La première arrive au bout de deux à trois jours, et permettra de décider si on va plus loin ou non. En l'absence de réseau téléphonique en montagne, c'est donc engagé, mais tout à fait faisable. On part sur un départ en amont de Sarru, avec une autonomie de 9 jours.
Après un petit déjeuner et quelques derniers préparatifs, on prend une marshrutka pour Saruu. Inhabituellement pour le pays, on tombe sur un chauffeur cupide qui fait monter plus de monde qu'il n'y a de places assises. C'est moins confortable, et surtout on passe longtemps à attendre que des passagers s'enrôlent pour remplir le minibus. On finit tout de même par arriver, et on négocie sur un calepin avec un taxi de nous déposer aux sources chaudes en amont du village où on nous a dit que serait le départ. On n'obtient pas un bon prix, mais perdus là au milieu de nulle part, on n'a pas trop le choix. La Lada file sur la piste, et après deux arrêts pour remplir le radiateur, on arrive au milieu de bâtimenets thermaux en forme de yourte. Le chauffeur nous serre la main chalheureusement et s'en va.
Nous on sort la carte, pour se rendre compte qu'on n'est pas là où on voulait. On a mal regardé les choses avec les personnes qui nous ont conseillées. La source chaude se situe 4km après une bifurcation où, bien sûr, on aurait du partir dans l'autre sens. On repart d'où on vient, 3km à pied et un en stop sur une jolie piste pour arriver à ladite bifurcation. De là on passera tout le reste de la journée à remonter une grande vallée sur une piste (une vingtaine de km à peu près). Les montagnes de part et d'autre sont impressionnantes. La piste est elle pas mal utilisée par des locaux qui viennent profiter de la campagne, et on aura l'occasion de boire un thé et du pepsi avec une famille. On passe la nuit au niveau d'un chaos rocheux, au milieu d'un tapis d'edelweis.
1 Retour au croisement en venant des sources, au moins c'est joli. 2 Des montagnes au fond de la vallée, c'est aussi haut que le Mont Blanc! 3 Session pêche avec un baton de marche, j'ai pris un minuscule osman! 4 Bientôt au bout de la vallée. 5 Coucher de soleil sur le mont Juluu.
Comme annoncé, la météo de notre deuxième jour de marche sera pourrie. A l'exception d'averses momentanées (mais fortes), le plafond nuageux reste suspendu le temps de remonter une quinzaine de kilomètres dans la vallée. Et puis on arrive à un point où on doit remonter une vallée latérale. 700m de dénivelée, 8km de long pour le col, on se dit qu'on en a pour 2h. Ce sera 4h30, avec encore une fois un profil raide en bas puis interminable jusqu'au col. La pluie se calme vers le haut, et la redescente est plus clémente. On perd pas mal de temps avec des passages à gué du torrent et dans d'énormes pierriers, et on finit sur un sentier à pic qui nous amène au niveau d'une route qui remonte entre Barskaun, sur la rive du lac, et une mine d'or située au fond du Tien Shan et dont le pays tire une part essentielle de son PIB. On passe la nuit en contrebas.
1-2 On a dormi sur un parterre de fleurs, et d'edelweis en partiulier. Il n'y a pas trop le choix par ici tellement il y en a! 3 La vallée d'où on vient s'est bien couverte. 4-6 Remontée sur la piste, c'est encore bien habité. 7 A l'abris d'une averse sous des blocs. 8 Les deux gros torents qui font la vallée. 9 La dure montée jusqu'au col. 10 Redescente, ça ne mouille plus trop!
Le ciel se dégage le jour suivant. On passe deux heures à remonter la route et ses quelques lacets pour arriver au départ du sentier suivant. On commence alors à remonter une grande vallée à flanc de montagne. J'ai le ventre qui va mal, mais on a à peine une quinzaine de kilomètres et pas trop de dénivellée à faire pour arriver sur un plateau. C'est sans compter sur les montées/descentes, les pierriers, etc... Avec à peine deux pauses (pour manger et pour pêcher une superbe rivière qui ne donnera rien), on arrivera tout juste à 19h. Le plateau est grandiose, avec un chapelet de sommets couverts de glaciers qui repart dans la direction où on vient. Par contre, la topographie est bien irrégulière et on croise zone humide sur zone humide. La progression de motte en motte et de point haut en point haut est épuisante. Je finis lessivé, on s'arrête sur le plateau, proche d'un rocher à peine plus haut que la tente. On regrette la décision quand un orage s'approche, finalement il restera accroché aux crêtes à peine plus loin. La nuit sera tranquille avec pas mal de vent et un peu de pluie. À presque 3700m on redoutait un peu la température nocturne, mais ces nuages nous empêcheront d'avoir trop froid...
1-2 La vallée de Barskaun au réveil et après avori remonté les virages. 3-4 Remontée dans la vallée vers le plateau. 5-6 Des fleurs, toujours des fleurs. 7 Après la traversée d'un gué, on commence à voir de la glace. 8-9 Les montagnes autour. 10-11 Tentative de pêche infructueuse. 12 Encore un gué, contents d'avoir pris les poids des crocs! 13-16: les montagnes sur le plateau. On est à 3700m, les montagnes un peu au dessus, l'impression est folle!
Le ciel est couvert quand on se lève. On replie la tente et on part tôt, on prévoit de marcher une quarantaine de kilomètres dans la journée. On croise rapidement au loin un groupe de tentes occidentales, sans doute un camp de trekkers commerciaux. Un peu plus loin, on trouve quelques traces qui forment une piste au milieu du plateau. À l'exception des zones de traversées de cours d'eau, la suivre facilitera beaucoup la marche. On finit par sortir du plateau sur le flanc d'une grande vallée. On la suit d'abord en haut, puis au fond. Arrivés à lapiste principale, une bute nous donne une indication sur notre position par rapport à la carte. On estime avoir fait la moitié et on se repose le temps d'une toilette et d'un pique nique au bord d'une rivière d'un bleu incroyable (même pas le temps de pêcher...). On repart, et on finit par se rendre compte qu'on encore plantés sur la lecture de la carte au 100 000e. On arrive à la dite butte 2h plus tard. La marche devient éprouvante, même sur piste. Arrivés au bout, on cherche des yourtes à touristes qu'on nous avait annoncées. Rien de tout ça, on trouve un vieux complexe de restes de maisons autour d'une source très chaude. La maison la moins en ruine est occupée par une famille d'éleveurs qui nous accueillent bien avec du thé et un peu de pain. Plus tard, des jeunes arriveront à cheval avec une attitude tellement méprisante qu'on ira se terrer en se couchant dans une partie vide de la maison.
1-4 On quitte le plateau dans des ambiances couvertes, mais toujours très belles! 5-6 Début des habitations et de la vallée. 7-8 Une rivière bleutée et large, extraordinaire. Même pas eu le temps de pêcher. 10 Une vallée transversale. 11 L'eau est devenue marron avec un seul affluent. 12-13 Les montagnes dans l'étroit vers l'arrivée.
On part tôt le lendemain pour éviter de recroiser les jeunes. Les nuages sont très bas, et la femme est déjà levée. On lui donne de la nourriture avec quelques balons de baudruche et des bonbons pour la remercier de son hospitalité. Elle scrute le contenu du sac et nous laisse partir, apparemment satisfaite. On monte droit dans la pente au dessus de la maison. Il est 7h du matin, la pluie commence et ne nous lachera pas avant la soirée. On remonte une vallée jusque vers une paire de lacs. On tente une pause thé, mais on n'arrive même pas à allumer le réchaud (un briquet trempé, l'autre non fonctionnel à ces altitudes). Le col semble à peine plus loin, mais il nous faudra une heure et demie de traversée hors sentier d'un grand cirque tapis de pierriers ruisselants et de zones humides pour l'atteindre.
De l'autre côté, on continue dans une vallée verdoyante. On est toujours hors sentier, on suit un cap en louvoyant entre les ruisseaux. De toute façon on est trempés. On arrive sur une section moins pentue où on recommence à trouver des yourtes et des cabanes. À l'une d'entre elles, les gens nous invitent à prendre le thé. On a régulièrement refusé ce genre d'invitations. Mais là, ça fait déjà 4h qu'on prend la pluie, alors on accepte avec gratitude et on passe un bon moment. Le thé réchauffe, et on nous sert ensuite de kumuz. C'est une boisson à base de lait de jument fermenté très connue des pays de steppe. Le pays entier en raffole, et on nous en a servi des déclinaisons plus ou moins buvables. Dans le cas présent, eux enchainent plusieurs bols cul sec. Nous les étonnerons en buvant lentement, et en refusant d'être resservis.
On repart, un peu moins frigorifiés et trempés qu'on n'est arrivés. Un bout à flanc de montagne et on perd le sentier qu'on avait trouvé. On descend jusqu'à la rivière le long d'un torrent. Une erreur. On finira sur un gigantesque coussin humide de plusieurs kilomètres de long et curieusement entaillé par des chenaux drainants plus profonds que larges qu'il nous faudra régulièrement sauter. La progression se fait très lente, on est ravis quand on retrouve enfin une piste. On la suit encore une heure. Il est à peine 15h, mais on monte la tente et on jette l'éponge. Au sens figuré comme au sens propre, vu l'état des vêtements dont on se débarasse pour entrer dans nos sacs de couchage.
1 Jilu suu ("eau chaude"), au départ. Le temps s'annonce mal. 2-3 Les lacs, dont l'eau se perdaient dans la moraine. 4 Arrivée au col après avoir traversé des kilomètres d'eau ruisselante. On voit le lac au fond, de là bas ça paraissait tout près. 5 La maison de nos sauveurs. 6 A la sortie de l'éponge géante, un grand mur, vestige d'un passé lointain? 7 Un bon endroit de bivouac malgré les conditions.
Le ciel se dégage rapidement le lendemain, et c'est sous un grand soleil qu'on traverse un grand plateau pour revenir au bord de la rivière. Des tapis d'edelweis nous accompagnent, c'est magnifique. On croise notre hôte du jour précédent. On le salue chalheureusement et il file ensuite sur son cheval, sans doute vers la ville la plus proche. On serpente entre collines et rivières, pour en trouver une énorme qu'on ne pourra pas traverser à gué. Heureusement, un pont se trouve un peu plus haut, mais il faut marcher une heure de plus. On est à 2600m, les edelweis ont laissé la place à la steppe, ça change beaucoup de cadre. On passe entre quelques collines pour aller vers une petite rivière, qu'on traverse à gué. De là part la vallée qui mène à notre dernier col. On la remonte une petite demi heure. Arrivés au niveau de yourtes, on demande notre chemin à un groupe de jeunes qui étaient par là. L'un deux "parle" anglais (mais ne comprend ni left ni right), et après une dizaine de minutes penchés sur un calepin en rigolant, on finit par comprendre qu'il ne faudra pas traverser le torrent pour aller en haut. Ils en profitent pour nous proposer de rester dormir chez eux. On dit oui, mais on monte la tente. Ensuite, on boit de la vodka (c'est l'anniversaire de l'un d'entre eux), du kumuz, on monte sur des chevaux, on fait des séances photos. Les deux jeunes s'en vont en nous disant qu'ils reviennent, et nous laissent manger avec leurs soeurs. On assistera à une scène improbable d'un enfant d'un an et demi captivé pendant une demi heure par un zapping/vidéo et sonore avec des paroles aussi douces que "I'm sexy and I know it"... On se couche tôt, et on passe une nuit de gel sous une voute étoilée incroyable.
1-4 Traversées de plaines pleines d'edelweis, suivi de rivières sous un temps splendide. 5 Traversée de rivière, heureusement il y a un pont! 6 On est à 2600m, ici c'est de la steppe où les chevaux gambadent. 7-9 traversée d'un interrivière dans des vallées steppiques. 10-11 Le jackbolot pass et les campements en contrebas. 12 Nos hôtes d'une soirée et leurs chevaux.
On part tôt le matin, car on prévoit faire notre dernier jour avant le retour à la civilisation. On remonte une belle vallée. Le sentier n'est pas toujours évident à suivre. Un passage se fera dans les blocs du torrent, un autre dans un raidillon dangereux faute d'avoir vu serpenter plus haut. La progression en haut est lente. On arrive au bout dans une zone d'éboullis et de névés où un troupeau de yaks se prélasse. Enfin, on arrive au Jakbolot pass, le plus haut de notre aventure (presque 3900m tout de même), et le plus symbolique tant par son nom que parce que c'est le dernier. On mange au col et on descend. Éboulis et névés donnent place à une pente fleurie folle. On commence avec des jaunes et des orange (pissenlits et pavots) pour continuer sur du bleu (myosotis) et finir sur du violet (géraniums). La suite sera beaucoup moins drôle. Une longue vallée pas très raide qu'on suit, le long d'une petite rivière translucide. On réfléchit un moment car l'arrivée est en fait encore loin. On se décide de continuer au plus vite (plutôt que de s'arrêter pêcher). Ca nous donnera une chance d'avoir une voiture qui rentre sur la ville. Une bonne montée et une redescente plus loin, on n'est même pas encore à la piste principale qu'une vieille audi passe et s'arrête. Comble de la chance, son conducteur est un jeune de 18 ans qui parle parfaitement anglais. On monte et on patiente une heure et demie, le temps que sa mère achète du kumuz à des éleveurs locaux. Ils remplissent des jerricans entiers (tout le coffre en fait) pour donner une grosse fête, et puis vendre le reste. Ensuite on part, et on voit la longue piste qu'on pensait peut être avoir à faire à pied. On n'aurait certainement pas réussi en un jour. Et puis 40km de route plus loin, il nous dépose à un hôtel à Naryn. Sa mère nous demande de l'argent, lui n'en veut pas. Je lui laisse mon téléphone, et on rentre, pouilleux dans l'hôtel "chic" du coin. On est au bout de notre traversée des montagnes célestes.
1-2 Ambiances matinales au bord des yourtes et au début de la vallée. Ca a gelé. 3 Un passage au bord du torrent. 4-6 Derniers efforts (longs) avant le col. Les yaks se prélassent au loin et les dernières plantes se font rares. 7 Une fumariacée en redescendant. 8-12 Parterres multicolores de fleurs. C'était encore plus fou en vrai! 13 On est au fond, 1000 mètres de dénivelée ont défilé. 13-14 On sort de la vallée pour aller vers la piste où on finira.